La démarche scientifique ne s’arrête pas à l’hypothèse, M. Grégory Charles ! 

Phylippe Laurendeau, Rédacteur en chef de la revue Spectre

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Le 24 avril dernier, Gregory Charles, lançait un cri du cœur. Cette fois, ce ne sont pas les candidats paresseux de Star Académie qui le faisaient enrager, mais bien notre système scolaire. Il souhaite une réforme, et vite ! Son diagnostic est clair, son remède, préparé. Est-ce une bonne nouvelle ? Pas du tout.  

Voici donc qu’un autre gérant d’estrade livre ses mesures simplistes pour guérir le cancer qui gruge notre système d’éducation. Il déplore avec véhémence la mixité des groupes, le sous-financement du réseau, la place réservée aux garçons, la déconfessionnalisation de l’école, le manque de compétition entre les élèves et l’existence des curriculums. Le verbomoteur a déjà sa liste de solutions : intégrer les camps de jour, fermer les classes en janvier et commencer les cours en août, permettre aux plus doués de dépasser la note de 100 % (sic) et la fin de la gratuité scolaire, pour n’en nommer que quelques-unes.  Un bon candidat au titre de ministre de l’Éducation ? Absolument pas. 

Je respecte l’artiste talentueux qui s’est illustré autant au Québec qu’à l’étranger. Animateur des Débrouillards, il a beaucoup donné pour le développement de la culture scientifique au Québec. Je suis aussi pour l’engagement citoyen. Mais qui a déterminé que les opinions éducatives de l’interviewer de Chabada sont de notoriété publique ? Si nous voulons donner un sérieux coup de balai dans notre système scolaire, ne faudrait-il pas tendre le micro aux experts, expertes et enseignants, enseignantes ?  

Le Québec a vu passer suffisamment de ces je-ne-suis-pas-spécialiste-mais qui, parce qu’ils ont déjà mis les pieds dans une école, croient détenir LA solution. Ce dont notre système a le plus grand besoin, c’est d’écouter la science. Comment la disposition de la classe influence-t-elle l’apprentissage ? Quels seront les impacts de la pandémie sur les jeunes ? Que nous indique la neuroéducation sur la motivation scolaire ? Quelles sont les stratégies d’enseignement les plus performantes dans l’apprentissage de la stœchiométrie en chimie ? Quels sont les obstacles conceptuels à l’apprentissage des lois de Kirchhoff ? Les outils numériques, efficaces ou nuisibles ? C’est que la démarche scientifique ne s’arrête pas à l’hypothèse, M. Charles ! 

Toutes ces questions cruciales, plutôt que de faire l’objet de placotage autour d’un micro, devraient être sujet de recherche continue sur le terrain. Leurs résultats nécessitent une large diffusion suivie de sérieuses discussions à l’école. Je rejoins ainsi la proposition de Stanislas Dehaene et d’Elizabeth Spelke qui suggèrent de ne mettre en œuvre que des innovations pédagogiques ayant fait l’objet d’expérimentations dans la classe.  

Si la rigueur scientifique du premier animateur des Débrouillards lui revient, je serais davantage enclin à l’écouter. Des décisions basées sur la science peuvent nous sortir de situations désastreuses. Nous en avons eu la preuve éclatante dernièrement. Pourquoi en serait-il autrement en éducation ? Et si des recherches démontrent hors de tout doute que l’enseignement est totalement inefficace en janvier, je veux bien qu’on ferme les écoles. Je regarderai Star Académie sous les palmiers !