Quelques projets en éducation relative à l’environnement en enseignement des sciences à l’éducation des adultes

Linda Binette, Ph.D., chercheuse indépendante, Consultation L.B.

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Dans cet article, je présente quelques projets que j’ai réalisés pendant ma carrière d’enseignante de sciences à l’éducation des adultes, alors que j’ai veillé à intégrer à mes cours des engagements civiques et des préoccupations citoyennes, toujours en lien avec l’environnement. J’ai enseigné dans des centres d’éducation aux adultes offrant les programmes de formation générale, mais aussi des programmes d’alphabétisation et de francisation. Le milieu était multiethnique, et l’âge des apprenants variait de 16 à 65 ans. Cela dit, ce qui suit pourrait sans doute être adapté à d’autres contextes.

Un intérêt pour les questions environnementales

L’une de mes préoccupations, comme enseignante, était de susciter l’intérêt des adultes apprenants. L’idée générale de l’éducation par « centre d’intérêt », sur laquelle je m’appuie, a pris son essor au début du 20e siècle. Le Dr Decroly (1871-1932), éducateur, psychologue et médecin belge ayant travaillé sur l’éducation par centre d’intérêt, prônait une pédagogie favorisant le rapprochement de l’école à la vie (Dubreucq, 2000). Cette idée de susciter les apprentissages et la motivation à l’aide de centres d’intérêt peut être transposée à l’enseignement des sciences à l’éducation aux adultes. La dimension affective de l’apprentissage souhaitable pour soutenir la motivation peut se manifester par le plaisir de participer à des activités d’apprentissage utiles et orientées vers un but de compréhension, de résolution, de réalisation, etc. Ainsi, l’éducation par centre d’intérêt permet à toute personne enseignante de concevoir des projets significatifs.

L’éducation relative à l’environnement (ERE) est un champ à explorer pour les apprenantes et apprenants qui sont souvent préoccupés par les questions contemporaines relatives à l’environnement. Afin de répondre aux préoccupations citoyennes quant à la préservation de l’environnement, des projets liés à ces thèmes et enrichissant l’enseignement des sciences devraient à mon avis être encouragés dans la pratique de l’enseignement des sciences, tant au secondaire qu’au collégial et à l’éducation des adultes. Par ailleurs, chaque personne apprenante a droit à une information juste quant aux questions environnementales, tout cela dans le but d’outiller les jeunes et les moins jeunes à une participation citoyenne éclairée. Nous avons vu, ces dernières années, à quel point les jeunes se mobilisent en faveur de la préservation de l’environnement. C’est en gardant en tête les fondements de l’éducation par centre d’intérêt, d’une part, et l’intérêt de mes adultes apprenants pour les questions environnementales, d’autre part, que j’ai conçu et enseigné les activités suivantes, activités que je souhaite ici partager avec les lecteurs et lectrices de Spectre.

Des activités et des projets

Dans ce qui suit, je présente deux activités et projets qui me tiennent particulièrement à cœur : une croisière sur le fleuve Saint-Laurent visant à sensibiliser les apprenantes et apprenants à l’importance du fleuve et de le garder en santé et les Midis-environnement, une activité qui a débuté en 2003.

UNE CROISIÈRE SUR LE SAINT-LAURENT

En 2010, le Centre d’éducation aux adultes Sainte-Croix de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) organisait pour une deuxième année consécutive une croisière d’environ deux heures sur le fleuve Saint-Laurent (CSDM, 2010). Cette activité optionnelle était offerte à tous les apprenants et apprenantes, qu’ils étudient ou non les sciences, ainsi qu’aux membres du personnel. Le taux de participation fut élevé : plus de 300 personnes! Une enseignante en alphabétisation faisait équipe avec moi, enseignante de sciences. J’avais le mandat d’agir comme animatrice durant environ 30 minutes sur le bateau afin d’apporter un volet scientifique au projet. Puisque la croisière avait lieu sur le fleuve Saint-Laurent, elle visait entre autres à mieux comprendre l’importance de l’assainissement de nos cours d’eau, notamment le Saint-Laurent. L’accent a été mis sur le fait que ce fleuve irrigue une grande superficie du territoire québécois. Il représente le milieu de vie de plusieurs espèces animales et végétales, dont certaines pourraient être menacées de disparition. Par exemple, le béluga du Saint-Laurent fait l’objet d’une attention particulière depuis quelques années. Il importe donc de faire attention à la qualité des eaux du fleuve, puisque celui-ci fournit l’eau potable à près de la moitié de la population du Québec (Gouvernement du Canada, 1991). Pendant la croisière, nous avons aussi abordé les principales sources de pollution que sont les rejets industriels, les rejets agricoles (les insecticides et les herbicides peuvent se retrouver dans l’eau à cause de l’érosion des sols) et les rejets domestiques (p. ex. certaines eaux usées). Le Plan d’action Saint-Laurent 2011-2026 a permis d’assainir le fleuve Saint-Laurent dans les années 1990. Cependant, la vigilance est de mise, et il reste encore beaucoup à faire. La croisière visait entre autres à faire prendre conscience aux gens que le fleuve n’est pas une poubelle. Certains déchets et produits ne devraient pas être jetés dans l’égout ni directement dans le fleuve. Plus celui-ci est pollué, moins il sera utilisable pour la baignade, et plus il sera couteux aux usines de traitement de produire l’eau potable.
Deux livres, Le fleuve Saint-Laurent (Ouellet, 1999) et L’eau de la vie (Cappelle, 2005), faisaient partie des prix de présence pour les étudiantes et étudiants qui ont participé à la sortie. Avant la croisière, j’avais fait une recherche afin de trouver des textes explicatifs pour eux, selon leur niveau et les disciplines qu’ils étudiaient (alphabétisation, français, sciences). Ces textes pouvaient provenir d’organismes reconnus tels qu’Environnement Canada. Ils ont été choisis selon les divers niveaux de compréhension de textes en lecture et avaient été donnés aux personnes enseignantes et apprenantes comme éléments préparatoires à l’activité.
Ces textes ont continué à servir de documents d’étude à la suite de la croisière en ce qui concerne la compréhension de certains contenus précis : pollution des eaux, écosystèmes aquatiques, etc. Ils ont servi pour l’acquisition de nouveaux termes, afin d’enrichir le vocabulaire dans des activités de lecture organisées par des professeurs de français. D’après les commentaires recueillis de façon informelle, les adultes apprenants ont pu prendre conscience, avec ces activités, de leur rôle personnel comme citoyen. L’enthousiasme manifesté durant toutes les étapes du projet est certainement un indicateur de l’adoption ou du renforcement d’attitudes de préservation des ressources hydriques.

LES MIDIS-ENVIRONNEMENT

Dans ma pratique, des « Midis-Environnement » ont été offerts au Centre pour adultes Sainte-Croix (CSDM) dès 2003. Tous les apprenants et apprenantes, ainsi que le personnel de l’école, étaient invités à y participer. Ces activités comportaient le visionnement de films et de reportages sur le sujet des changements et des perturbations climatiques, suivis de discussions. Quelques années plus tard, durant l’année scolaire 2016-2017, avec la collaboration de deux enseignantes en alphabétisation, j’ai élaboré et mis en œuvre un projet au Centre d’éducation aux adultes Gabrielle-Roy visant à augmenter la littératie chez les élèves et à expliquer le lien intrinsèque unissant les sujets tels que les changements et les perturbations climatiques, les façons de produire l’énergie et la pollution de l’air (Binette, 2017). Des formations spécifiques furent données aux groupes d’étudiants et étudiantes en alphabétisation. Nous voulions qu’une certaine culture scientifique puisse devenir accessible à tous et non seulement aux personnes qui étudiaient en sciences et qui se dirigeaient vers les études supérieures.
Dans le cadre des Midis-environnement, ceux et celles qui étudiaient les sciences pouvaient approfondir et contextualiser certaines notions de leurs programmes. De la documentation constituée de textes explicatifs choisis en fonction des différents niveaux d’études des apprenants et apprenantes fut donnée afin qu’ils puissent poursuivre leur réflexion et leur acquisition de connaissances. Comme activité de clôture de ce projet, le film Demain a été présenté. Ce projet a obtenu un Prix de reconnaissance en environnement de la commission scolaire pour le secteur des adultes, secteur où, malheureusement, il y a peu d’initiatives relatives à l’ERE, probablement en raison des contraintes inhérentes aux centres pour adultes : niveaux scolaires variés, hétérogénéité des buts, des champs d’intérêt, des objectifs d’apprentissage, des horaires, etc. Les prix (livres, billets pour visiter des musées à visée environnementale ou pour des évènements) offerts par les commanditaires ont été remis aux personnes gagnantes, qui sont parfois démunies (CSDM, 2017).

Les retombées de ces projets et activités

Puisque le but de ces projets n’était pas d’en faire un objet de recherche en tant que tel, il est difficile de mesurer et de mentionner toutes leurs retombées. Les enseignantes en alphabétisation impliquées ont constaté une compréhension en lecture plus vaste et élargie de textes comportant des éléments du domaine des sciences de la part de leurs élèves. De plus, ceux-ci ont pu apprendre de nouveaux mots et concepts, par exemple le concept de gaz à effet de serre. Les étudiants et étudiantes en sciences ont pu approfondir leurs connaissances, comme en témoignent leurs commentaires recueillis lors d’échanges et de discussions entre eux et le personnel enseignant. À l’issue de ce projet, une meilleure compréhension du lien existant entre les façons de produire l’énergie, les perturbations climatiques et la pollution de l’air à l’échelle mondiale s’est installée.
La motivation des apprenants et apprenantes par rapport à ces activités me semble aussi être liée à leur âge. Certains sont des parents et des grands-parents qui veulent le bien des générations futures. Quant aux jeunes, des projets liés à l’environnement leur permettent d’acquérir et de consolider des valeurs essentielles à la préservation des ressources des divers écosystèmes et d’acquérir des connaissances quant à l’amélioration des habitudes de vie. Ces connaissances sont essentielles pour la préservation de l’environnement et de la santé, elle-même souvent liée à l’environnement.

Conclusion

J’ai voulu, par ce texte, vous présenter quelques activités et projets relatifs à l’ERE que j’ai mis en action au fil de ma carrière d’enseignante à l’éducation des adultes. Nous voyons que l’éducation relative à l’environnement se fait souvent sur une base volontaire. Les formations liées à l’ERE sont souvent très appréciées puisqu’elles permettent d’encourager l’engagement civique, qui intéresse de plus en plus les citoyens et citoyennes, jeunes et moins jeunes.
Le développement personnel et l’acquisition de connaissances tout au long de la vie sont des dimensions de plus en plus prisées par bon nombre d’adultes. Selon le contexte de la transmission et du partage des informations et des savoirs, le défi est d’adapter le discours selon les groupes.
Les enseignantes et enseignants de divers niveaux, et particulièrement ceux de sciences, peuvent puiser dans le vaste domaine de l’éducation relative à l’environnement plusieurs activités et projets complémentaires pouvant enrichir leur enseignement tout en favorisant la motivation chez leurs élèves. La protection de l’environnement concerne divers aspects, dont la préservation de la qualité de l’eau, de l’air et des sols, ainsi que de la biodiversité. Je ne peux énumérer toutes les activités possibles. À titre d’exemple, cela pourrait être la visite d’une usine d’épuration des eaux, une croisière, une activité d’horticulture, l’élaboration d’un herbier, etc. Cela dépend du contexte et des disponibilités.
Cette éducation relative à l’environnement dans les divers contextes d’éducation constitue un levier vers l’écocivisme, l’écocitoyenneté; elle entre dans une dynamique de participation individuelle et citoyenne. Les dispositions à agir et les processus d’actualisation ne peuvent qu’être encouragés et soutenus (Durand, 2008). Pour toutes ces raisons, des projets s’ajoutant au cursus scolaire existant et se rattachant à l’éducation relative à l’environnement doivent se poursuivre et continuer à se frayer un chemin, y compris à la formation aux adultes.
Pour communiquer avec l’auteure : linda.jp@outlook.com

Références

Binette, L. (2017). Trois défis contemporains. Production et source d’énergie – Les changements climatiques – La pollution de l’air à l’échelle mondiale. Montréal : Linda Binette.
Cappelle, F. (2005). L’eau de la vie. Paris : Éditions Vilo.

Commission scolaire de Montréal (CSDM). (2010). Croisière du Centre Sainte-Croix sur le fleuve Saint-Laurent. Faire de l’ERE, vol. 14, no 1.

Commission scolaire de Montréal (CSDM). (2017). Divers ateliers en environnement. Faire de l’ERE, vol. 20, no 2.

Dubreucq, F. (2000). Jean-Ovide Decroly (1871-1932). .Repéré à http://www.ibe.unesco.org/sites/default/files/decrolyf.pdf

Durand, M. (2008). Un programme de recherche technologique en formation des adultes. Une approche enactive de l’activité humaine et l’accompagnement de son apprentissage/développement. Éducation et Didactique, 2(3), 97-121. https://doi.org/10.4000/educationdidactique.373

Gouvernement du Canada. (1991). L’état de l’environnement au Canada. Dans Le Saint-Laurent : un fleuve à conquérir (p. 19-1 à 19-24). Ottawa : gouvernement du Canada.

Ouellet, M.-C. (1999). Le Saint-Laurent, un fleuve à découvrir. Montréal : Les éditions de l’Homme.

 


Spectre | Volume 50, numéro 2 | Février 2021


 

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