Être TTP en temps de crise sanitaire ou innover pour demeurer pertinent

Michelle Gagné, C.S.S. Marie-Victorin et Camille Turcotte, AESTQ 

Sur le même sujet

Passion, dévouement et innovation dans l'enseignement des sciences
Portrait de Sonia Bonin, lauréate du prix Gaston-St-Jacques 2023

Elisabeth Guérard, AESTQ

 

Lire la suite
Art, culture et pêche à la mouche

Kassandra L’Heureux, étudiante au doctorat, Université de Sherbrooke et Valérie Vinuesa, professionnelle de recherche Chaire de recherche pour l’éducation en plein air, Université de Sherbrooke

Lire la suite
Mon Saint-Laurent vu du rivage : s'approprier notre fleuve Saint-Laurent en contexte de classe

Catherine Simard, professeure en didactique des sciences et technologies, Université du Québec à Rimouski, Lucia Savard, enseignante du primaire et professionnelle de recherche, Université du Québec à Rimouski, Mélanie Cantin, coordonnatrice des communications, Technoscience Est-du-Québec et Dominique Savard, directrice générale, Technoscience Est-du-Québec

Lire la suite
La notion de risque

Audrey Groleau, professeure de didactique des sciences et de la technologie, Université du Québec à Trois-Rivières, Irvings Julien, stagiaire postdoctoral, Université du Québec à Trois-Rivières et Marco Barroca-Paccard, professeur de didactique des sciences de la nature, de la biologie et de la durabilité, Haute école pédagogique de Vaud (Suisse)

Lire la suite
Intégrer les systèmes d’information géographique (SIG) dans son enseignement : suggestions pour l’enseignement primaire et secondaire

Camille Binggeli, Université du Québec à Trois-Rivières

Lire la suite

 

Les bouleversements de cette année scolaire n’ont épargné aucun milieu dans l’enseignement de la science et de la technologie. Les techniciens et techniciennes en travaux pratiques (TTP) au secondaire ont aussi dû jongler avec une panoplie d’enjeux. L’Association pour l’enseignement de la science et de la technologie (AESTQ) s’est donc engagé afin de les accompagner dans cette nouvelle réalité.

En très peu de temps, une série d’ateliers de discussion et d’échange a été mise sur pied, au bénéfice des TTP du secondaire; une vingtaine de personnes ont participé à l’une ou l’autre des 11 rencontres d’une heure. Les participantes[i] provenaient des secteurs public et privé de plusieurs régions québécoises : Outaouais, Montréal, Québec, Montérégie, Lanaudière, Bas-Saint-Laurent. Les sujets abordés ont été constamment mis à jour suivant la réalité et les besoins changeants des participantes. Nul doute que celles-ci ont développé de nouvelles compétences en lien direct avec les nécessités liées à la pandémie, et ce, très rapidement.

Voici un aperçu de ce qui a été abordé lors de ces ateliers. 

 

Les défis de la désinfection

Le premier défi qu’ont affronté les TTP a été celui de la désinfection des surfaces et du matériel de laboratoire. En septembre, les informations étaient partielles et provenaient de différentes sources : centres de service scolaires, Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et ministère de l’Éducation. Les participantes aux discussions ont rapporté que la tâche de désinfection entre chaque groupe d’élèves est très lourde et demande beaucoup de temps. Par conséquent, il était devenu impossible de tenir deux laboratoires, sur deux périodes consécutives, dans le même local.

La plupart des écoles ont donc choisi d’espacer l’utilisation des laboratoires pour permettre aux TTP de procéder à la désinfection. Plus tard, certaines écoles ont fait le choix de raccourcir les ateliers et les laboratoires, passant par exemple de 60 à 45 minutes, ou de 75 à 60 minutes.

Les méthodes de désinfection variaient selon les établissements, chacun cherchant la méthode la plus efficace et rapide. Chacune des solutions désinfectantes utilisées venant avec ses particularités, les TTP avaient besoin de trouver rapidement les informations et de se maintenir à jour. L’AESTQ a promptement créé et continuellement actualisé une page Web rassemblant les informations sur la désinfection en milieu scolaire. De plus, l’Association a organisé trois sessions Ask the Expert (hyperlien vers classes de maitres) avec monsieur Christian Millet, expert en santé et sécurité au travail.

 

Le manque d’accès aux classes de laboratoire et aux locaux de machines-outils

Avec la nécessité de maintenir des bulles-classes, le manque de locaux s’est fait ressentir dans plusieurs établissements. Les laboratoires et les locaux-ateliers ont alors été utilisés comme salle pour une bulle-classe. Dans ce contexte, plusieurs écoles ont choisi de prioriser, pour l’accès aux laboratoires, les élèves de deuxième cycle.

Dans la très grande majorité des écoles, les salles de machines-outils n’étaient pas disponibles. En conséquence, très peu de projets de technologie ont été réalisés, voire aucun. Très tôt en début d’année est apparue la nécessité de savoir si la technologie en quatrième secondaire devrait, ou non, être évaluée. Dans l’affirmative, comment le personnel enseignant et les TTP allaient-ils préparer les élèves en théorie, sans passer par la pratique? L’enseignement hybride est venu corser le tout. La création d’ensembles de matériel de technologie (engrenages en carton, petit ensemble de matériel d’électricité, minipompe hydraulique) à envoyer à la maison dans un cadre d’enseignement à distance est alors discutée par les techniciennes participant au groupe.

 

L’enseignement virtuel et le laboratoire

Rapidement, en début d’année scolaire, des classes ont été fermées pour quelques jours, puis, parfois, pour quelques semaines. Ensuite, c’est l’enseignement hybride pour les troisième, quatrième et cinquième secondaires qui s’est installé. Les participantes du groupe ont beaucoup échangé sur les solutions envisageables, notamment la conception de laboratoires à réaliser à la maison. Les TTP ont choisi des labos courts (moins d’une heure) et réalisables à l’aide des produits et du matériel disponible dans toutes les maisons. Plusieurs activités ont été créées ou adaptées pour être ensuite déposées sur la plateforme PRISME, qui est devenue le site de référence pour les activités et les ressources pour l’enseignement à distance de la compétence 1 en science et technologie.

Aussi, les techniciennes ont dû s’improviser cinéastes et participer à la création de vidéos pour chacun des laboratoires demandés par leurs collègues du corps enseignant. Les élèves étaient alors amenés à rédiger leur rapport d’analyse à l’aide de ces vidéos. Parallèlement, un peu à l’image de la classe inversée, certaines enseignantes et certains enseignants ont choisi de présenter des vidéos de laboratoire à leurs élèves en enseignement à distance alors que l’expérience se déroulait dans les jours suivants, en présentiel. Les avantages rapportés par le personnel enseignant et les techniciennes ont été incroyables : les élèves étaient beaucoup plus posés, calmes, en contrôle de leurs apprentissages, et leur compréhension était hautement améliorée.

Certaines TTP ont eu à travailler avec Genially, Mindstorms, PhET, Thinkercad, SketchUp, pour ne nommer que ceux-ci. Dans plusieurs établissements, elles ont été au cœur du développement pédagonumérique et de l’arrimage avec les nouvelles technologies.

 

La culture du partage

Les ateliers de discussion ont créé une belle synergie au sein des TTP participantes. Ce fut un lieu de discussions et d’échanges très prolifique et profitable. Une culture de partage s’y est installée, et les participantes ont d’emblée reconnu l’avantage d’échanger leurs techniques, leurs trucs et leurs méthodes. Les bénéfices sont considérables, autant pour le budget que pour la gestion du travail, mais surtout pour l’élève lui-même qui, au bout du compte, se retrouve le grand gagnant de cette nouvelle collaboration.

Les techniciennes ont également partagé leurs nouvelles compétences avec les autres participantes en offrant une courte démonstration d’un nouveau logiciel utilisé, en révélant leurs bonnes pratiques et les erreurs à éviter lors du tournage d’une capsule vidéo ou encore en partageant des techniques précises de laboratoire. Elles ont développé de nouveaux réflexes pédagogiques avec les laboratoires en ligne et sont devenues de plus en plus habiles pour rendre le tout efficace et efficient. Certaines TTP deviennent même disponibles sur Teams ou Zoom pour répondre aux élèves à la maison qui éprouvent un problème.

Le travail d’équipe est devenu la clé de cette nouvelle approche dans l’enseignement de la science et de la technologie auprès des élèves. Les TTP participant aux groupes de discussion se sont rapidement adaptées à leur travail maintenant en mode virtuel. Elles sont demeurées pertinentes, indispensables et, disons-le, très innovatrices!

 

En conclusion

Malgré la satisfaction d’innover et d’apprendre de nouvelles façons de travailler, toutes les participantes ont reconnu avoir du mal à supporter la lourde tâche de devoir reprendre certaines activités, d’avoir à les préparer deux, parfois même trois fois. Le fait de devoir trouver plusieurs solutions à un problème, et ce, de façon rapide et continuelle durant l’année, a engendré une certaine fatigue chez la plupart d’entre elles. Au gré des cas de COVID-19, le travail quotidien des TTP est constamment bouleversé. Malgré l’épuisement qu’engendre toute cette adaptation, les TTP demeurent toujours en mode solution, avec bienveillance et résilience.

Les Classes de maitres 2020-2021 furent un grand succès, particulièrement pour soutenir les TTP dans cette année pour le moins inhabituelle. Au-delà des discussions, une belle synergie s’est installée au sein des participantes. Rien ne reviendra tout à fait à la normale, et la pandémie nous aura permis de développer de nouvelles compétences. Il faut reconnaitre et conserver les gains apportés par la situation. Soulignons la grande capacité d’adaptation des TTP et tout le matériel qui a été conçu cette année avec une rapidité étonnante!

 


[i] Comme un seul homme a participé à deux de ces rencontres, nous avons choisi de parler des participantes au féminin.